Les effets de la cession d’entreprise sur le statut individuel et collectif des salariés

 Que faut-il entendre par la notion de transfert d’entreprise ?

Il convient d’ores-et-déjà d’exclure de nos propos la cession de contrôle, c’est-à-dire la cession d’une participation majoritaire dans une société. En effet, dans cette hypothèse, il n’y a aucune modification de la situation juridique de l’employeur puisque seuls les associés ont changé.

Nos propos trouvent ainsi à s’appliquer dans l’hypothèse d’un transfert d’une entité économique autonome. Mais qu’est-ce qu’une entité économique autonome ? 

Pour la jurisprudence, il s’agit d’un « ensemble organisé de personnes et d’éléments corporels ou incorporels permettant l’exercice d’une activité économique qui poursuit des intérêts propres » (Cass. Soc. 7 juill. 1998, n°96-21451). La cession d’un fonds de commerce entre donc pleinement dans cette définition.

Les effets du transfert d’entreprise sur le contrat de travail

En application des dispositions de l’article L1224-1 du code du travail, « Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l’entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise. »

Il en résulte que, dès lors, qu’il y a transfert d’une « entité conomique autonome », tous les contrats de travail en cours au moment du transfert sont poursuivis, dans les mêmes conditions, auprès du nouvel employeur.

Exceptions : Le nouvel employeur n’est pas tenu, à l’égard des salariés dont les contrats de travail subsistent, aux obligations qui incombaient à l’ancien employeur à la date de la modification, dans les cas suivants :

  1. Procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire ;
  2. Substitution d’employeurs intervenue sans qu’il y ait eu de convention entre ceux-ci.

Le transfert en application de l’artciel L1224-1 susvisé porte sur tous les types de contrat (CDD, CDI, apprentissage) et le fait que le contrat soit suspendu (arrêt de travail, maladie, maternité, congés de toute nature, …) ne fait pas obstacle au transfert. Le salarié dont le contrat de travail est ainsi transféré conserve son ancienneté, sa rémuération, …

Le principe posé par le code du travail est un principe d’ordre public. Cela signifie que le transfert du contrat de travail s’impose au salarié qui n’a pas la possibilité de s’y opposer. En revanche, si ce transfert s’accompagne d’une modification d’un élément de son contrat de travail (ex: changement du lieu de travail en dehors de la zone géographique, durée du travail,…), le salarié conserve la possibilité de refuser cette modification. La rupture du contrat de travail qui résulterait de ce refus de la modification de son contrat de travail constituerait un licenciement pour motif économique (Cass. Soc. 17 avril 2019, n°17-17880). 

Réciproquement, le principe s’impose aussi au cédant comme au repreneur qui ne peuvent user de stratagèmes pour écarter l’application de l’article L1224-1 posé par le code du travail, ni convenir expressément d’y déroger.

Ainsi, le licenciement prononcé par le cédant en violation de l’article L. 1224‐1 du Code du travail est sans effet sur les salariés qui doivent « être considérés comme étant toujours employés de l’entreprise à la date du transfert » (CJCE, 15 juin 1988, aff. C‐101.87), le contrat de travail devant être « considéré comme existant par le cessionnaire même si le travailleur licencié n’a pas été repris » (CJCE, 12 mars 1998, aff. C‐319.94). Le salarié a alors le choix entre demander la poursuite de son contrat de travail avec le repreneur, ou réclamer des dommages‐intérêts à celui qui l’a licencié (Cass. soc., 9 juill. 2014, no 12‐21512). Tirant les conclusions de la jurisprudence européenne, la Cour de cassation considère que le licenciement prononcé en violation des dispositions de l’article L. 1224‐1 du Code du travail n’est ni un licenciement sans cause réelle et sérieuse ni un licenciement nul, mais un licenciement privé d’effet.

Le transfert du contrat de travail en cas de cession d’une entité conomique autonome étant un effet de la loi, il n’est donc pas nécessaire de formaliser ce transfert auprès du salarié, même si une information  relative à la modification de la situation juridique de l’employeur est toujours la bienvenue.

Les effets du transfert d’entreprise sur le statut collectif

Dès le jour de la cession, les salariés dont le contrat de travail est transféré bénéficient des accords collectifs en vigueur dans l’entreprise qui a racheté l’entité économique autonome, pour autant qu’ils leur soient plus favorables que les accords collectifs applicables dans l’entreprise dont le fonds a été cédé.

S’agissant des conventions ou accords collectifs en vigueur dans l’entreprise cédante, ils sont automatiquement mis en cause par l’effet de la cession intervenue. Autrement dit, passé un certain délai, ils n’auront plus vocation à s’appliquer et cela sans qu’une dénonciation soit nécessaire.

Concrètement, si les choses n’ont pas été anticipées dans un accord avant la cession, les conventions et les accords collectifs mis en cause continuent de s’appliquer aux salariés transférés pendant :

Durant la période de préavis, des négociations doivent s’engager dans l’entreprise d’accueil en vue de parvenir à la conclusion d’un accord de substitution dont l’objet est soit l’adaptation aux dispositions conventionnelles nouvellement applicables, soit l’élaboration de nouvelles stipulations.

Si les négociations aboutissent à la conclusion d’un accord de substitution, ce dernier s’applique sans délai aux salariés dont le contrat de travail a été transféré et l’accord collectif « en survie » cesse de produire ses effets, même si les dispositions issues de l’accord de substitution sont moins favorables aux salariés.

En revanche, si les négociations ne débouchent sur aucun accord, les conventions et accords collectifs mis en cause cessent de produire leurs effets au terme de la période de 15 mois qui suit la cession. Les salariés transférés ne peuvent plus revendiquer le bénéfice de l’application des dispositions qui y figuraient. Ils bénéficient alors simplement d’une garantie de rémunération dont le montant annuel, pour une durée de travail équivalente à celle prévue par leur contrat de travail, ne peut être inférieur à la rémunération versée, en application de la convention ou de l’accord mis en cause, lors des douze derniers mois.

Les propos précédents ne concernent pas les usages, les engagements unilatéraux ou les accords atypiques applicables dans l’entreprisé cédée. Les salariés transférés continuent d’en bénéficier dans l’entreprise qui les a repris, tant que leur nouvel employeur ne les dénoncent pas.

Enfin, s’agissant du règlement intérieur de l’entreprise cédante, la Cour de Cassation a déjà eu l’occasion d’indiquer que le règlement intérieur n’était pas transféré avec les contrats de travail et que le cessionnaire ne pouvait donc pas en faire application dans son entreprise (Cass. Soc. 17-10-2018 n° 17-16465). Trés récemment, elle a tiré une nouvelle conséquence de cette absence de transfert du règlement intérieur, en jugeant que le salarié dont le contrat de travail avait été transféré n’avait pas davantage la possibilité de se prévaloir, dans l’entreprise cessionnaire, du règlement intérieur auquel il était soumis au sein de l’entreprise cédante (Cass.soc. 31 mars 2021 n°19-12289).

Le Cabinet MAINE LEXI CONSEIL accompagne régulièrement les chefs d’entreprise dans leur projet d’acquisition ou de cession d’entreprise

N’hésitez pas à faire appel à notre expertise tant sur le plan du droit des affaires qu’en droit du travail

Contact